Quand le presto est sur le point de sauter, aussi bien prendre un pas de recul.

Mon pas de recul a été de réserver un billet d’avion pour le Costa Rica.
Le but de ce voyage était de prendre du temps pour moi, me ressourcer, me reposer et revenir rechargée.
J’ai réservé il y a quatre mois. Pour la quatrième fois, en quatre ans, j’ai mis les pieds sur le sol du Costa Rica. C’est la première fois que j’y viens pour des vacances. Je suis dans un de mes endroits préférés et pourtant je ne sais pas comment faire.
J’ai tout ce qu’il me faut. J’ai une voiture, une maison, internet, de la nourriture et des amis à proximité. Pourtant, je me sens perdue.
C’est la première fois que je viens ici sans avoir une tonne de choses à faire, une famille à m’occuper ou quelque chose de spécifique à accomplir. Je suis juste là pour profiter et me reposer. Pourtant, on dirait que je ne sais pas comment faire et c’est ce qui me perturbe le plus.
Comment se fait-il qu’on vive dans une ère, une société où l’on est à ce point conditionné à performer, à accomplir?

Comment se fait-il que ce que je souhaite le plus depuis plusieurs mois, soit de m’arrêter, de juste être, soit aussi inconfortable?
Est-ce que j’ai peur d’y prendre goût ? Saurai-je comment retourner à ma vie normale si j’y prends goût réellement ?
Beaucoup de questions sont présentes ce matin, alors que je me réveille en pleine jungle avec comme compagnie les oiseaux, les singes, et même un beau petit lapin.
Je n’ai que moi à m’occuper, seulement mes petits besoins personnels.
C’est ça, être mère ? Ne plus savoir comment vivre quand nos enfants ne sont plus une priorité !?
J’avoue que j’ai déjà jugé cet énoncé…
Comment pouvais-je comprendre, quand tout ce que j’avais à gérer c’était moi ? Bien sûr, j’avais un travail, une entreprise, des activités sportives, des relations personnelles et professionnelles, mais tout de même, tout n’était relié qu’à moi.
Aujourd’hui, ma vie de maman, c’est tout autrement.

Les priorités changent.
Heureusement, ça se fait pour la plupart du temps assez graduellement, je dirais même sournoisement !
On met de côté nos projets personnels, nos besoins, nos ambitions, juste un peu à la fois.
On ne s’en rend même pas compte parfois ! On se dit que ce n’est pas si grave, que ce n’est pas si pire que ça. On se convainc que c’est temporaire et pour le bien de notre enfant. Et sans doute que ça l’est!
Mais le temps passe et finalement je me retrouve 3 ans et demi plus tard, à 4h du matin au Costa Rica, à me demander ce qu’est ma vie sans eux. Question que je n’ai même plus le temps de me poser, en vérité.
Alors, dis-moi mama, comment tu fais?

Comment tu fais pour survivre à toutes ces nuits sans dormir ?
Comment tu fais quand tu es malade, monoparentale et que tu n’as d’autre choix que de te faire une soupe toi-même, tout en ayant des petits qui réclament ton attention sans répit ?
Comment tu fais quand tu es tellement à bout de ressources que la seule pensée qui te traverse quand il fait une crise, c’est de le lancer au bout de tes bras ?
Comment tu fais pour garder un semblant d’équilibre entre ta vie professionnelle, familiale, sentimentale et amicale ?
Dis-moi ?
Parce qu’aujourd’hui, je me sens bien seule dans mon univers. J’ai beau me réconforter en regardant des réels Instagram humoristiques sur le sujet, il reste que le monde qui m’entoure me semble plein de jugements et de faux-semblants d’être en contrôle !
Suis-je la seule ?

Non, bien sûr que non.
Alors pourquoi jouons-nous à qui sera la plus mince le plus rapidement possible après son accouchement ?
Et pourquoi sommes-nous gênées de dire qu’on est fatiguées, épuisées et même écœurées de notre vie plus souvent qu’on l’aimerait ?
Parce que c’est ça la réalité, pour bien des mamans. Et nous avons chacune nos défis bien personnels !
Si je prends le temps d’écrire sur le sujet, c’est parce qu’au fond, c’est quelque chose qui me touche profondément. Qu’on soit plusieurs dans le même bateau, mais que nous choisissions quand même de porter facilement des jugements sur les autres mamans ou sur l’éducation qu’elles donnent à leurs enfants ou même sur l’attitude de ces derniers, alors qu’au fond, les corrélations n’y sont pas.
Mes jumeaux m’ont permis de constater ce fait : les enfants sont tous très différents, même avec les mêmes parents et les mêmes conditions d’éducation. Ils évoluent à leur rythme, ils ont des caractères bien à eux et nous avons un impact si limité sur ce qu’on peut leur transmettre !
La parentalité, c’est un défi constant, à tous les niveaux !
Alors, comment fait-on pour arriver à tout faire, à être partout à la fois et à être au top de sa forme ?
Ma réponse c’est : on n’y arrive pas.
Je n’y arrive juste pas. C’est tout. C’est simple.
Et c’est OK !
Et puis, un jour, j’ai décidé de m’en foutre !

Vouloir être sur la coche à tous les niveaux ne me rend pas plus heureuse. Et puis, c’est tellement fatigant à la longue !
Alors j’ai dû apprendre à vivre dans le chaos, à être bien dans l’inconfort.
J’apprends encore à composer avec le fait que c’est tout croche autour de moi, que je suis tout croche aussi !
Je les ai tellement jugées ces mères qui ne rangeaient pas leur maison. Je ne comprenais rien ! Malgré qu’elles me disaient : « Il faut choisir ses batailles ! »
J’ai fini par le comprendre en le vivant...
Parce que oui, j’adore avoir une maison propre et surtout, bien rangée. Mais c’est impossible de tenir notre espace de vie dans ces conditions en tout temps et de profiter de la vie, le cœur léger, avec les petits êtres humains que j’ai mis au monde.
La joie dans mon cœur vient directement de ces moments où j’ai choisi de m’en foutre, de lâcher prise. De laisser tout ce bordel exister. Momentanément.
Parce que ce qui compte le plus c’est de saisir les petits moments où je peux les regarder être, leur faire des câlins, être à l’écoute de ce qu’ils ont à me partager.
C’est cliché peut-être… mais seigneur que c’est difficile d’en arriver là, de réellement lâcher prise. Je vous rassure, je n’y arrive pas très régulièrement.
La perfectionniste en moi est sans cesse mise au défi.
Parce que quand je marche pieds nus sur des jouets, de la nourriture ou du sable, qu’il y a une montagne de vaisselle à nettoyer, je sais que si je ne m’en occupe pas maintenant, ça implique que je vais devoir prendre de mon précieux temps personnel pour le faire quand ils dormiront.
Et parfois, juste d’attendre, ça me rend folle.
Disons que j’ai encore besoin de pratique.
Au fond, chaque fois que je décide de m’en foutre, je me sens plus légère. Et j’ai tant besoin de cette légèreté pour me rendre jusqu’à demain. Et demain, tout sera à recommencer…
Mais, ça, vous le savez ! Right ?
Donc, pour le moment, et pour une période de 15 jours, je suis seule.
Je n’ai que ma propre personne à ramasser et nettoyer, et j’ai cette étrange sensation d’être une imposture. Comme si ce n’était pas ma vie ou comme si ce n’était pas permis. Curieux, n’est-ce pas ?
Être mère est vraiment un concept plus grand que moi.

Ça me dépasse, quand je pense que je comprends, je me rends compte que je ne sais pas grand-chose.
C’est pourquoi j’ai autant de questions aujourd’hui.
J’ai envie qu’on se rapproche, qu’on s’unisse dans cette grande et mystérieuse aventure qu’est la maternité.
Et si …
Et si on y répondait à ces questions, sans se juger soi-même ou les autres ?
Et si on l’admettait ouvertement que, bien souvent, on ne l’a pas l’affaire ? Qu’on ne maîtrise pas notre vie comme on le souhaiterait.
Et si on arrêtait de se vendre l’illusion que c’est même possible !?
Et si on sortait de ce moule intergénérationnel de bien paraître ? À quoi ça sert de toute façon ?
Moi je constate qu’aujourd’hui on vit dans un monde où il est si facile de laisser croire ce qu’on veut à ceux qui ne nous connaissent pas.
Je crois aussi qu’il y a bien plus de réconfort collectif dans le fait de se montrer vrai, « raw », authentique.
À mon humble avis, c’est précisément ça que le monde a désespérément besoin. Notre humanité, c’est justement ce qui est notre beauté.
Parce qu’en réalité, la vie est faite de hauts et de bas pour tout le monde. Personne n’y échappe. Alors, parlons-en ! Parlons des vraies affaires !
Dis-moi Mama, comment tu fais ?
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